Introduction

L’introduction de l’ouvrage revient sur le parcours intellectuel d’Ula Yvette Taylor, initié par une observation faite lors d’un débat en 1992 autour du film Malcolm X de Spike Lee : la quasi-absence de travaux sur les femmes de la Nation of Islam (NOI). D’abord motivée par cet angle mort dans l’historiographie, elle publie un article en 1998, avant d’être de nouveau happée par la question grâce à la découverte, en 2006 à la bibliothèque de Detroit, d’un rapport de 1934 commandé par les services sociaux sur des familles musulmanes ayant retiré leurs enfants de l’école publique.

Ce document marque un tournant dans son projet : il dévoile la structure intime d’un univers religieux noir profondément genré et souvent perçu comme régressif pour les femmes. Taylor propose une lecture historicisée de la formation de la NOI, en insistant sur son attachement à une politique patriarcale protectrice : protéger les femmes noires des abus du monde blanc, tout en réaffirmant leur place subordonnée dans l’ordre social musulman. Elle interroge ainsi l’apparente contradiction entre soumission genrée et autonomie collective.

L’introduction souligne également l’évolution de l’image publique de la NOI, de sa fondation par Master Fard Muhammad en 1930 à l’héritage plus contemporain de Louis Farrakhan, en passant par la période de structuration sous Elijah Muhammad. Taylor refuse toute lecture linéaire ou manichéenne : les femmes de la NOI ne sont pas seulement victimes d’un patriarcat religieux, elles sont aussi actrices d’une construction identitaire, éducative et communautaire dans un monde profondément hostile aux Noirs. L’analyse s’ancre ainsi dans une perspective à la fois critique et attentive aux logiques internes du mouvement.