LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

Intersectionality and Epistemic Resistance

Thèmes centraux

  • Lutte contre les hiérarchies épistémiques et la naturalisation des savoirs dominants
  • Intersectionnalité comme forme de résistance cognitive
  • Critique des normes de validité et d’objectivité scientifique
  • Centralité des épistémologies situées et incarnées
  • Décentrement des canons de vérité dans les sciences sociales
  • Pouvoir des voix subalternes dans la reconfiguration du savoir
  • Enjeux de la reconnaissance et de la légitimité théorique

Résumé et analyse

Dans ce chapitre, Patricia Hill Collins approfondit l’idée que l’intersectionnalité est une forme de résistance épistémique. Il ne s’agit pas seulement d’un cadre analytique, mais d’un projet cognitif et politique opposé aux régimes de savoir dominants. Collins critique la prétention à l’universalité, la neutralité et l’objectivité des savoirs académiques.

Elle montre que ces normes, historiquement construites, ont exclu les savoirs produits par les groupes opprimés, notamment ceux issus des traditions noires, chicanas, autochtones ou queer. L’intersectionnalité fonctionne dès lors comme contre-savoir, capable de désarticuler les fondements épistémologiques du pouvoir.

La résistance à laquelle elle renvoie n’est pas uniquement institutionnelle : elle est aussi cognitive. Il s’agit de transformer les façons de penser, de catégoriser, et de hiérarchiser la réalité. Collins valorise pour cela les savoirs incarnés — expériences vécues, récits personnels, affects — comme sources de connaissance critiques.

Elle insiste aussi sur le danger d’une institutionnalisation qui neutralise cette force de subversion. L’intersectionnalité doit conserver son ancrage dans les héritages insurgés pour rester un outil de contestation radicale.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Résistance épistémique
🔹 Définition
Pratiques cognitives par lesquelles les groupes dominés contestent les savoirs qui justifient leur oppression.
🔹 Contexte historique
Concept développé dans les épistémologies féministes et décoloniales (José Medina, Kristie Dotson). Il met en avant les savoirs minoritaires comme résistance cognitive.

Validité scientifique
🔹 Définition
Critère normatif définissant ce qui est reconnu comme savoir légitime. Collins en dénonce l’usage excluant.
🔹 Contexte historique
Critiqué par les sciences sociales critiques depuis les années 1980. Donna Haraway et Sandra Harding proposent des alternatives comme le savoir situé ou l’objectivité forte.

Voix subalternes
🔹 Définition
Formes de savoir et d’expression émanant de groupes marginalisés, souvent réduits au silence par les récits dominants.
🔹 Contexte historique
Théorisé par les Subaltern Studies (Spivak), étendu par les féminismes postcoloniaux. Soulève les difficultés d’énonciation et de reconnaissance des savoirs dominés.

Savoirs incarnés
🔹 Définition
Savoirs issus de l’expérience corporelle, affective et vécue. Collins les mobilise contre les normes abstraites de scientificité.
🔹 Contexte historique
Concept central des féminismes chicana, queer et noirs (Anzaldúa, Lorde). Il valorise les dimensions sensibles et situées du savoir critique.