LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

Piece Work/Peace Work: Self-Construction versus State Repression

Thèmes centraux

  • Répression étatique et subjectivation politique des femmes noires communistes
  • Travail sur soi, dignité et reconstruction identitaire face à l’oppression
  • Surveillance, déportation et criminalisation de l’activisme noir
  • Stratégies féministes de résistance au sein des structures répressives de l’État
  • Tension entre marginalisation politique et construction d’un pouvoir personnel

Résumé et analyse

Ce chapitre analyse la manière dont Claudia Jones construit sa subjectivité politique dans un contexte de répression intense exercée par l’État américain. Carole Boyce Davies décrit une trajectoire marquée par les arrestations, la surveillance du FBI, les campagnes médiatiques de discrédit et l’expulsion orchestrée par le maccarthysme.

Plutôt que de s’effondrer, Jones répond à cette violence systémique par une pratique de self-construction : elle se forge comme sujet politique conscient, digne, engagé, à travers l’écriture, l’organisation communautaire et la mobilisation idéologique. Le jeu de mots du titre — piece work / peace work — exprime la dialectique entre fragmentation imposée et recomposition subjective.

Boyce Davies montre que le militantisme de Jones ne se limite pas à ses discours publics : il réside aussi dans un travail intérieur, une résistance quotidienne face aux tentatives de démantèlement identitaire. Cette introspection militante devient une forme de lutte à part entière.

Le peace work de Jones ne signifie pas retrait ni passivité, mais engagement actif pour la paix, la justice et l’égalité. Elle oppose à la logique de guerre froide une vision anticoloniale, pacifiste et féministe de la transformation sociale. En cela, elle s’inscrit dans une tradition radicale noire transnationale qui affirme la paix comme praxis révolutionnaire.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Répression d’État

🔹 Définition
Désigne les dispositifs institutionnels – policiers, juridiques, médiatiques – mobilisés pour neutraliser les militant·es perçu·es comme subversif·ves. Claudia Jones est confrontée à une persécution systématique fondée sur son genre, sa race, son idéologie et son statut migratoire.

🔹 Contexte historique
Le maccarthysme des années 1950, avec le FBI et le Comité des activités antiaméricaines, cible particulièrement les femmes noires communistes. La répression de Jones s’inscrit dans une longue tradition de criminalisation des militantismes noirs aux États-Unis.

Self-construction (travail de soi)

🔹 Définition
Processus par lequel un·e militant·e construit activement sa subjectivité politique face à la disqualification institutionnelle. Chez Jones, cela passe par l’écriture, la pensée critique et l’affirmation d’une dignité politique malgré la marginalisation.

🔹 Contexte historique
Inspirée des traditions marxistes, féministes et diasporiques, cette notion sera théorisée plus tard par Audre Lorde ou bell hooks. Jones en incarne une version précoce, où la lutte politique passe aussi par la reconstruction de soi contre la machine répressive.

Peace work (travail de paix)

🔹 Définition
Engagement pour la paix, le désarmement, la justice sociale et l’égalité raciale. Pour Jones, ce travail s’oppose à la logique impérialiste et militariste, et se pense depuis une perspective féministe et anticoloniale.

🔹 Contexte historique
Dans le contexte de la guerre froide, le peace work de Jones rejoint les initiatives du Conseil mondial de la paix. Il s’inscrit dans une tradition noire internationaliste et antiraciste, opposée à la logique belliciste des blocs impériaux.