LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

Deportation: The Other Politics of Diaspora

Thèmes centraux

  • Déportation comme technologie de répression raciale et idéologique
  • Diaspora noire comme espace politique transnational
  • Réarticulation de l’internationalisme noir au prisme de l’exil forcé
  • Solidarité diasporique et féminisme noir migrant
  • Redéfinition des frontières du politique à travers les circulations militantes

Résumé et analyse

Ce chapitre examine les conséquences politiques et théoriques de la déportation de Claudia Jones en 1955. Poussée à quitter les États-Unis pour des raisons politiques, elle est d’abord renvoyée vers Trinidad, puis autorisée à s’installer à Londres. Carole Boyce Davies interprète ce déplacement comme un moment fondateur dans la refondation de l’action politique diasporique.

Plutôt qu’un exil subi, la déportation devient chez Jones le moteur d’un redéploiement stratégique : son ancrage britannique devient une base de reconfiguration militante, entre presse, culture et mobilisation communautaire. Elle transforme la condition de bannie en plateforme de construction d’un internationalisme noir féministe, situé depuis la diaspora caribéenne en Grande-Bretagne.

Le chapitre insiste sur un double déplacement : géographique et épistémique. Loin de signaler une rupture, l’expulsion vers Londres prolonge et transforme son engagement politique. Le bannissement n’efface pas le militantisme : il le transnationalise. La praxis diasporique de Jones, fondée sur l’action depuis la marge, déstabilise les formes nationales du politique.

Boyce Davies met en lumière la capacité subversive du déplacement forcé. La déportation, conçue comme mécanisme de répression impérialiste, est retournée en puissance d’agencement politique. Elle devient ainsi l’un des fondements d’une politique diasporique féministe noire, articulée autour du lien entre mémoire, exil et résistance.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Déportation politique

🔹 Définition
Expulsion par l’État d’un individu pour des raisons idéologiques ou politiques. Claudia Jones est visée pour son engagement communiste, sa race et son statut d’étrangère. Boyce Davies montre comment Jones réinvestit cette violence en stratégie militante.

🔹 Contexte historique
Aux États-Unis, la guerre froide s’accompagne d’une chasse aux communistes, où les militant·es racisé·es sont ciblé·es. Le maccarthysme mobilise la déportation comme outil de purification idéologique. Claudia Jones devient l’une des figures emblématiques de cette répression.

Diaspora noire

🔹 Définition
Espace politique structuré par l’exil, la dispersion et la mémoire collective noire. Chez Jones, elle désigne l’interface entre identités caribéennes, engagement communiste et lutte anticoloniale.

🔹 Contexte historique
Concept forgé dans les traditions panafricaines et anticoloniales, réactivé dans les migrations post-1945 vers l’Europe. La trajectoire de Jones incarne une politique noire transatlantique centrée sur les femmes, les travailleurs et les cultures diasporiques.

Politique diasporique

🔹 Définition
Modalité d’action politique fondée sur la dispersion, les circulations et les expériences partagées d’oppression. Pour Jones, cette politique s’ancre dans les luttes des femmes noires migrantes et des communautés caribéennes britanniques.

🔹 Contexte historique
Cette logique d’action s’intensifie avec les décolonisations et les exils militants dans les années 1950-70. Elle s’oppose aux nationalismes étroits, en affirmant la possibilité d’une praxis transnationale ancrée dans les marges. Jones en constitue une figure pionnière.