LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

« Après la colonie » : de l’anticolonialisme au post-colonialisme ?

Thèmes centraux

  • Réactivation contemporaine de la critique anticolonialiste
  • Question de la continuité postcoloniale des formes de domination
  • Relecture critique de la notion de post-colonialisme en contexte français
  • Approche matérialiste du conflit et des luttes syndicales
  • Construction d’un cadre d’intelligibilité ancré dans les pratiques militantes
  • Rapport entre subalternité politique et conflictualité sociale

Résumé et analyse

Aucun événement historique daté n’est explicitement mentionné dans la conclusion ; l’analyse repose sur une lecture synthétique des luttes de 2009 et de leurs prolongements idéologiques et théoriques.

Dans cette conclusion, Pierre Odin propose une relecture analytique de l’ensemble de son enquête, en posant une question centrale : que reste-t-il « après la colonie » ? Il s’agit moins d’entrer dans les controverses théoriques sur le postcolonialisme que d’interroger, à partir du cas guadeloupéen et martiniquais, les configurations sociales, politiques et discursives dans lesquelles naissent des conflits d’ampleur. Odin invite ainsi à un double mouvement de décentrement : d’un côté, observer les formes locales d’exercice du pouvoir et de contrôle ; de l’autre, reconnaître que les rapports de domination doivent être saisis comme coconstruits par les autorités et les groupes subalternes qui y résistent.

Cette perspective vise à s’extraire des lectures qui font de la situation postcoloniale française une histoire close. Au contraire, Odin insiste sur l’actualité de la critique anticolonialiste, telle qu’elle a été formulée par les militants syndicaux et culturels en 2009, mais aussi sur la portée heuristique de leurs pratiques et de leurs discours. Cette critique ne repose pas uniquement sur des références symboliques au passé esclavagiste ou colonial : elle s’appuie sur des appareillages théoriques matérialistes, sur une lecture conflictuelle du présent, et sur des formes d’organisation autonome qui produisent une intelligibilité politique propre.

L’auteur refuse également une lecture culturaliste ou identitaire des mobilisations. Il rappelle que l’action collective s’est enracinée dans une dénomination rigoureuse de la pwofitasyon comme système de domination multiforme. En ce sens, la revendication anticolonialiste formulée dans le conflit de 2009 n’est pas un slogan, mais une grille d’analyse partagée, forgée par les luttes, consolidée par les coalitions syndicales, et nourrie par des traditions intellectuelles antérieures.

Enfin, Odin critique les usages dominants du concept de postcolonialisme, qui tendent selon lui à neutraliser l’actualité du conflit, à historiciser sans politiser. Il appelle à prendre au sérieux la conflictualité contemporaine en Guadeloupe et en Martinique comme expression d’un régime postcolonial non stabilisé, dont la signification politique reste à construire dans les sciences sociales. Par là, l’ouvrage s’inscrit dans une tentative de réhabilitation d’un geste matérialiste en sociologie des mobilisations, en lien avec les traditions marxistes et anticolonialistes.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Postcolonialisme
🔹 Définition
Ensemble de discours, de pratiques et d’analyses qui s’attachent à penser la continuité des formes de domination issues du colonialisme au sein des sociétés contemporaines. Odin critique son usage lorsqu’il masque les dynamiques de conflictualité réelle, au profit d’un récit clos et pacifié.
🔹 Contexte historique
Issu des débats intellectuels anglo-saxons, notamment portés par Edward Said, Homi Bhabha ou Gayatri Spivak, le postcolonialisme a été introduit en France avec retard et souvent avec suspicion. En contexte antillais, Odin appelle à ne pas s’en tenir aux débats académiques abstraits, mais à prendre appui sur les luttes syndicales et populaires pour repenser la notion à partir du terrain.

Critique anticolonialiste
🔹 Définition
Position politique et théorique visant à dévoiler et contester les formes de domination héritées du colonialisme, encore actives dans les institutions, les structures économiques et les représentations sociales. Elle s’articule, dans le cas du LKP, à une dénonciation de la pwofitasyon comme système global d’exploitation.
🔹 Contexte historique
Portée historiquement par les mouvements indépendantistes et les traditions marxistes aux Antilles, la critique anticolonialiste s’est transformée au fil des décennies. Elle connaît un regain de centralité lors de la grève générale de 2009, en s’ancrant dans des coalitions larges et dans une mise en question de la légitimité des élites locales et de l’État hexagonal.