The Moral Arc of the Universe

Dans ce chapitre, Táíwò interroge la célèbre formule attribuée à Martin Luther King Jr. — « the arc of the moral universe is long, but it bends toward justice » — en en déconstruisant l’usage courant dans les discours politiques progressistes. Il démontre que cette maxime, souvent mobilisée pour justifier une forme d’espoir téléologique, peut masquer les dynamiques matérielles et historiques concrètes qui déterminent les trajectoires politiques.

Táíwò commence par situer historiquement la phrase, en rappelant qu’elle puise ses origines dans les sermons d’abolitionnistes du XIXe siècle avant d’être réinvestie dans les luttes pour les droits civiques. Il souligne que, détachée de ses conditions d’énonciation initiales — ancrées dans des combats collectifs et une vision active de la justice —, cette phrase peut aujourd’hui servir à apaiser ou neutraliser l’exigence d’intervention et de transformation.

Le chapitre développe une critique de l’optimisme moral abstrait, qui suppose que la justice finira par triompher avec ou sans action humaine soutenue. Táíwò propose à la place une perspective constructiviste où les trajectoires du monde dépendent d’actes collectifs organisés, d’institutions stratégiquement orientées et de choix politiques déterminés. Il rappelle que le progrès n’est jamais linéaire, mais conflictuel et contingent.

Enfin, Táíwò introduit la nécessité d’un rapport historique actif au passé : plutôt qu’une mémoire qui réconforte, il défend une mémoire qui mobilise, qui alimente les luttes contemporaines en les reconnectant à des généalogies de résistance. Le chapitre invite ainsi à substituer à une foi passive dans l’histoire une stratégie consciente d’intervention dans l’arc — c’est-à-dire de construction d’un futur juste.