LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

Introduction

Thèmes centraux

  • Domination impérialiste et violence coloniale
  • Résistance armée et dignité nationale
  • Processus de libération et légitimation populaire
  • Dialectique entre culture, lutte armée et transformation sociale
  • Spécificité historique de la Guinée (Bissau) et des îles du Cap-Vert
  • Rôle du PAIGC comme force politique et militaire centrale
  • Lutte pour l’indépendance comme lutte pour l’humanité

Résumé et analyse

L’introduction du recueil présente la trajectoire politique et théorique d’Amilcar Cabral à partir de la spécificité de la lutte de libération nationale menée par le Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Elle inscrit cette lutte dans une double logique historique : d’une part, celle de la décolonisation post-Seconde Guerre mondiale, où les contradictions de l’ordre impérialiste se font croissantes ; d’autre part, celle des résistances africaines, structurées depuis les années 1950 contre la domination portugaise, marquées par une extrême brutalité (taux d’analphabétisme supérieur à 99 %, mortalité infantile très élevée, usage systématique de la répression armée, famine, racisme structurel).

L’introduction établit ainsi un cadre dialectique dans lequel le projet de libération ne peut être réduit à une revendication formelle d’indépendance, mais se donne comme une entreprise globale de réappropriation de la souveraineté politique, de transformation sociale et de réhumanisation collective. Cette réappropriation passe par l’organisation politique (la fondation du PAIGC en 1956), la résistance armée (début en 1963) et l’élaboration d’une théorie de l’émancipation fondée sur la mobilisation des masses rurales, la construction de structures administratives autonomes, l’alphabétisation, et la mise en place d’un appareil judiciaire alternatif.

L’introduction souligne également que le combat mené en Guinée (Bissau) s’inscrit dans un mouvement plus large : celui des luttes anti-impérialistes du Tiers-Monde et de la solidarité des peuples opprimés, en Afrique comme dans les Amériques. En cela, la lutte du PAIGC devient paradigmatique, non seulement pour sa capacité à libérer effectivement de vastes zones du territoire, mais pour son ambition de constituer un État populaire dès les premières étapes de la guerre. L’engagement de Cabral est présenté comme indissociable d’un effort d’élucidation théorique, dans lequel la lutte armée est pensée non comme une fin, mais comme une voie de réappropriation de l’histoire, de la culture et de la dignité collective.

L’introduction prépare ainsi le lecteur à une lecture politique des discours rassemblés : non comme simples interventions circonstancielles, mais comme élaborations stratégiques et réflexions profondes sur la praxis révolutionnaire dans le contexte africain et colonial.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Domination impérialiste

🔹 Définition
La domination impérialiste désigne ici le système global de contrôle politique, économique, militaire et culturel imposé par les puissances coloniales européennes sur les sociétés africaines. Elle est caractérisée par l’occupation territoriale, l’exploitation des ressources, la destruction des structures sociales indigènes et l’effacement des cultures locales.

🔹 Contexte historique
Le terme s’inscrit dans une tradition marxiste et tiers-mondiste (Lenine, Nkrumah, Fanon) qui analyse l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme. Dans le cas de la Guinée et du Cap-Vert, l’impérialisme portugais combine archaïsme technologique et brutalité coloniale, reposant sur une répression féroce et une marginalisation radicale des populations africaines. La domination impérialiste devient ainsi le cadre structurant de toute résistance.

Souveraineté populaire

🔹 Définition
La souveraineté populaire est définie comme la capacité des masses à exercer un contrôle réel sur leur destinée politique, sociale et économique. Elle ne se réduit pas à l’indépendance formelle vis-à-vis de la puissance coloniale, mais implique l’organisation autonome des structures de pouvoir, de justice et de production au sein même de la lutte armée.

🔹 Contexte historique
Cette notion prend forme à travers l’action du PAIGC, qui développe des institutions alternatives dans les zones libérées dès le milieu des années 1960. S’inspirant à la fois des expériences de lutte vietnamienne et des traditions africaines d’organisation communautaire, la souveraineté populaire devient une pratique concrète : tribunaux populaires, écoles villageoises, comités d’action, et pouvoir exercé par les comités locaux de base.

Culture comme résistance

🔹 Définition
La culture n’est pas conçue comme un héritage passif ou folklorique, mais comme une force active de résistance face à la domination coloniale. Elle incarne la mémoire, la langue, les valeurs et les formes de socialisation qui permettent aux peuples opprimés de se maintenir dans leur humanité malgré la violence coloniale.

🔹 Contexte historique
Cette lecture de la culture s’ancre dans les critiques du racisme colonial et du mythe de l’assimilation. Influencé par Fanon et l’anthropologie critique, Cabral développe une conception dynamique de la culture comme processus de réaffirmation identitaire et base idéologique de la mobilisation politique. Dans la lutte armée, elle devient un vecteur de politisation, un lien entre générations et un fondement pour une reconstruction nationale postcoloniale.