LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The First Declaration of War, 1917–1939

Thèmes centraux

  • Déclaration Balfour comme acte inaugural du colonialisme en Palestine
  • Effacement juridique et politique des Palestiniens sous mandat britannique
  • Soutien impérial britannique au projet sioniste
  • Construction d’un para-État sioniste avec l’appui de la puissance mandataire
  • Résistance palestinienne fragmentée, non reconnue et réprimée
  • Opposition entre autodétermination palestinienne et colonisation de peuplement
  • Préparation de la dépossession par le biais d’institutions coloniales

Résumé et analyse

Événements historiques marquants

  • 2 novembre 1917 — Londres : Déclaration Balfour par le gouvernement britannique.
  • 1920 — San Remo : Intégration de la Palestine au mandat britannique par la Société des Nations.
  • 1922 — Londres : Texte final du mandat incorporant la déclaration Balfour.
  • 1936–1939 — Palestine : Grande révolte arabe contre la domination britannique et l’immigration juive.
  • 1939 — Londres : Livre blanc britannique restreignant l’immigration juive, sans remettre en cause la structure coloniale.

Rashid Khalidi ouvre son ouvrage en qualifiant la déclaration Balfour de 1917 de « première déclaration de guerre » contre les Palestiniens. Cette déclaration du gouvernement britannique promet un « foyer national juif » en Palestine sans consulter ses habitants autochtones, ni même les reconnaître comme un peuple. Elle marque l’entrée de la Palestine dans une logique de colonialisme de peuplement soutenue par une puissance impériale. L’administration mandataire britannique, installée après la Première Guerre mondiale, structure politiquement, juridiquement et économiquement ce processus, en légitimant l’immigration juive, en armant les institutions sionistes et en réprimant toute résistance palestinienne.

Khalidi décrit comment un para-État sioniste se construit grâce à l’Agence juive, au Fonds national juif, à la Haganah et à d’autres structures civiles et militaires, soutenues financièrement par les institutions britanniques. Dans le même temps, toute tentative palestinienne d’organisation politique est soit ignorée, soit criminalisée, comme lors de la révolte de 1936–1939. L’argument de Khalidi est que la guerre contre les Palestiniens ne prend pas seulement la forme de la violence militaire, mais celle d’une guerre juridique, institutionnelle et symbolique pour effacer toute revendication d’autodétermination. En 1939, au moment où le Livre blanc limite l’immigration juive pour apaiser les tensions arabes, la structure coloniale est déjà profondément enracinée.

Le chapitre démontre que la domination coloniale britannique, loin d’être neutre, est activement complice de la construction d’un État sioniste en devenir, au détriment des droits politiques palestiniens. Il met également en lumière la manière dont la narration historique dominante occulte cette guerre fondatrice. En centrant l’analyse sur les dynamiques impériales, Khalidi recentre le conflit sur ses origines structurelles : la négation organisée d’un peuple au profit d’un projet colonial soutenu par l’Occident.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Colonialisme de peuplement

🔹 Définition
Le colonialisme de peuplement désigne une forme spécifique de domination dans laquelle les colonisateurs ne se contentent pas d’exploiter les ressources ou d’administrer une population indigène, mais visent à remplacer durablement cette population en installant une nouvelle société sur son territoire. Dans le texte, ce concept est utilisé pour qualifier le projet sioniste soutenu par l’Empire britannique, qui repose sur le remplacement progressif des Palestiniens par une population juive immigrée, structurée autour d’un appareil politique, militaire et économique autonome.

🔹 Contexte historique
Le concept émerge dans la littérature académique critique à partir des années 1980, notamment dans les études sur les colonies anglo-saxonnes (Australie, États-Unis, Canada). Il est repris par des historiens et penseurs palestiniens et postcoloniaux pour qualifier le cas de la Palestine, en insistant sur la volonté d’effacement du peuple indigène. Le settler colonialism s’oppose ainsi au colonialisme classique d’exploitation : ici, la souveraineté passe par l’institution d’un nouveau peuple, légitimé par des récits de modernisation, de vide territorial ou de droit historique.

Déclaration Balfour

🔹 Définition
La déclaration Balfour est une lettre datée du 2 novembre 1917, dans laquelle le ministre britannique des Affaires étrangères, Arthur Balfour, annonce le soutien du gouvernement britannique à l’établissement d’un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine. Dans le texte, cette déclaration est interprétée comme un acte de guerre contre les Palestiniens, qui ne sont pas mentionnés en tant que peuple, mais réduits à des « communautés non juives » sans statut politique.

🔹 Contexte historique
La déclaration Balfour intervient dans un contexte de guerre mondiale et de compétition impériale. Elle vise à gagner le soutien des populations juives européennes et nord-américaines, tout en s’inscrivant dans une stratégie impérialiste britannique de contrôle du Moyen-Orient. Elle est ensuite incorporée dans le texte du Mandat britannique sur la Palestine adopté par la Société des Nations en 1922. Cette intégration en fait un fondement juridique de la politique coloniale en Palestine.

Para-État

🔹 Définition
Le para-État désigne un ensemble d’institutions politiques, économiques et militaires qui fonctionnent de manière autonome au sein d’un État ou d’une structure coloniale, en vue de constituer un futur État souverain. Dans le chapitre, Khalidi décrit la construction progressive d’un para-État sioniste sous mandat britannique : Agence juive, syndicats, système éducatif, milices armées (Haganah). Ces institutions sont reconnues, financées et protégées par les autorités britanniques, à la différence des structures palestiniennes.

🔹 Contexte historique
Le terme est mobilisé dans les études sur les mouvements nationalistes, en particulier ceux disposant de structures quasi étatiques avant l’indépendance (ex. : l’OLP, les Kurdes, les mouvements africains). Dans le cas sioniste, l’originalité tient à l’appui d’une puissance impériale dans l’élaboration de ces institutions, ce qui permet une accumulation de ressources, de légitimité et de pouvoir avant même la proclamation d’un État.