LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The Second Declaration of War, 1947–1948

Thèmes centraux

  • Résolution 181 et légitimation internationale du projet sioniste
  • Refus de souveraineté pour les Palestiniens malgré leur majorité démographique
  • Expulsion systématique de la population palestinienne par la force
  • Organisation militaire du nettoyage ethnique palestinien
  • Rôle actif des puissances occidentales dans l’effacement de la Palestine
  • Création d’Israël sur une base coloniale et non négociée
  • Origine de la Nakba comme processus de dépossession et de fragmentation

Résumé et analyse

Événements historiques marquants

  • 29 novembre 1947 — New York : Adoption par l’ONU de la résolution 181 prévoyant le partage de la Palestine.
  • 30 novembre 1947 – mai 1948 — Palestine : Début des hostilités et du nettoyage ethnique palestinien.
  • Avril 1948 — Deir Yassin : Massacre de civils par les milices sionistes.
  • Mai 1948 — Proclamation unilatérale de l’État d’Israël.
  • 1948–1949 — Palestine : Expulsion de plus de 700 000 Palestiniens (Nakba).
  • 1949 — Armistices : Redécoupage de la Palestine et création de la Ligne verte.

Ce chapitre analyse la période 1947–1948 comme la deuxième « déclaration de guerre » contre les Palestiniens, menée sous couvert de légitimité internationale via la résolution 181 de l’ONU. Khalidi montre que cette résolution, qui prévoit un partage territorial profondément inégalitaire, donne 55 % de la Palestine au mouvement sioniste, alors que les Juifs représentent moins d’un tiers de la population. Elle ne reconnaît aucune souveraineté aux Palestiniens et valide un projet de peuplement colonial sans consultation des populations locales.

Khalidi démontre que la guerre qui s’ensuit n’est pas une guerre civile ou intercommunautaire, mais un projet militaire organisé d’expulsion, dont le Plan Dalet constitue le cadre stratégique. Les forces sionistes, mieux armées, prennent l’initiative offensive, chassent les Palestiniens de dizaines de villes et villages, et commettent de nombreux massacres pour semer la terreur (ex. : Deir Yassin). Le résultat est la Nakba : plus de 700 000 Palestiniens expulsés, plus de 400 villages détruits, un peuple transformé en diaspora.

L’analyse de Khalidi met également en lumière une autre forme de continuité : la manière dont les grandes puissances fabriquent des États selon leurs intérêts impériaux, en niant les droits des peuples colonisés. Le soutien des États-Unis à la reconnaissance d’Israël, la neutralité active du Royaume-Uni, et l’appui soviétique montrent que l’ordre international naissant, loin de rompre avec la logique impériale, la prolonge. La Palestine devient ainsi un espace d’expérimentation pour une nouvelle phase du colonialisme.

Le chapitre souligne que la dépossession palestinienne n’est ni une conséquence imprévue de la guerre, ni une tragédie accidentelle, mais un processus délibéré, organisé, anticipé. L’État d’Israël naît non pas dans la négociation, mais dans l’exclusion, l’expulsion et la négation d’un autre peuple. En cela, 1948 représente une rupture irréversible dans l’histoire politique des Palestiniens : le début de leur existence en tant que réfugiés, privés de territoire, de représentation et de droits reconnus.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Résolution 181

🔹 Définition
La résolution 181 est une décision adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1947, prévoyant le partage de la Palestine en deux États — l’un juif, l’autre arabe — avec un statut international pour Jérusalem. Dans le texte de Khalidi, elle est analysée comme une continuité directe de la déclaration Balfour : elle impose un découpage territorial favorable aux colons sionistes sans le consentement de la majorité autochtone. La résolution 181 est ainsi interprétée comme une légitimation diplomatique de la dépossession palestinienne, au nom d’un projet impérial reconfiguré.

🔹 Contexte historique
La résolution est votée dans un contexte de retrait de l’Empire britannique et de montée en puissance des États-Unis et de l’URSS. Elle bénéficie d’un intense lobbying sioniste et d’un alignement stratégique des grandes puissances. Bien qu’elle n’ait jamais été mise en œuvre dans les termes prévus, elle sert de fondement symbolique à la proclamation de l’État d’Israël. Elle illustre l’usage sélectif du droit international et la capacité des puissances à redéfinir les configurations étatiques selon leurs intérêts.

Plan Dalet

🔹 Définition
Le Plan Dalet est une stratégie militaire adoptée par les forces sionistes (Haganah) en mars 1948, visant à prendre le contrôle des zones attribuées à l’État juif par la résolution 181, mais aussi au-delà, par l’expulsion des populations arabes et la prise de villes stratégiques. Dans le texte, ce plan incarne la transformation du projet sioniste en une campagne de conquête territoriale active, anticipant l’indépendance d’Israël et organisant la Nakba. Il marque une rupture dans l’usage de la force comme outil structurant d’un nouvel ordre national.

🔹 Contexte historique
Issu de la militarisation croissante du mouvement sioniste, le Plan Dalet est exécuté entre avril et mai 1948, en parallèle du retrait britannique. Il permet la prise de villes comme Haïfa, Jaffa, Safad ou Jérusalem-Ouest, entraînant l’exode de centaines de milliers de Palestiniens. Il est souvent analysé comme un plan prémédité de nettoyage ethnique, bien que la terminologie reste débattue. Il est un point de référence central dans l’historiographie critique de la Nakba.

Nakba

🔹 Définition
Le terme Nakba (catastrophe, en arabe) désigne l’expulsion, la fuite et la dépossession de plus de 700 000 Palestiniens entre 1947 et 1949. Dans le texte, elle est présentée comme l’aboutissement d’un processus de guerre coloniale, légitimé par les puissances internationales. Elle ne se limite pas à une crise humanitaire, mais constitue une rupture politique fondatrice, privant un peuple de sa terre, de son État et de sa reconnaissance historique.

🔹 Contexte historique
La Nakba est un événement structurant de la mémoire collective palestinienne. D’abord marginalisée dans les récits dominants, elle devient à partir des années 1980 un objet central des New Historians israéliens, puis des études postcoloniales. Elle est aujourd’hui reconnue comme une forme de nettoyage ethnique planifié, bien qu’elle reste niée ou relativisée dans de nombreux discours officiels. Elle est au fondement du droit au retour revendiqué par les réfugiés palestiniens.