Building a Movement, Fighting the Devil
Thèmes centraux
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Diffusion des enseignements de W.D. Fard dans le Detroit des années 1930
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Création des institutions genrées de la Nation of Islam (FOI et MGT-GCC)
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Réactions hostiles des élites noires et des autorités publiques
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Construction d’une contre-culture islamique noire dans un contexte de misère urbaine
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Usage des femmes comme médiatrices religieuses, éducatrices et activistes
Résumé et analyse
Le chapitre couvre la période 1931–1934, moment fondateur pour la structuration de l’Allah Temple of Islam (ATOI) à Detroit. Ula Yvette Taylor retrace l’essor de l’enseignement religieux de Fard Muhammad, qui rompt avec le christianisme dominant tout en en reprenant certains éléments de langage. Pour convertir, Fard construit une cosmologie alternative, centrée sur la dignité noire, la discipline corporelle, et la dénonciation radicale du monde blanc, désigné comme “le diable”.
Fard institue des règles strictes : interdiction de boire, fumer, manger du porc, de mentir ou voler ; obligation d’hygiène extrême, de maîtrise de soi et d’un régime végétarien. Ces prescriptions sont intégrées dans une logique pédagogique qui vise à désaliéner les fidèles. C’est dans ce contexte qu’apparaît la division genrée des responsabilités : aux hommes, la Fruit of Islam (FOI), force protectrice et disciplinée ; aux femmes, la Muslim Girls’ Training and General Civilization Class (MGT-GCC), destinée à former les femmes à la domesticité, à la cuisine, au ménage, mais aussi à la moralité islamique.
Cette structuration rencontre une vive opposition des élites noires chrétiennes et assimilationnistes, qui voient dans le message séparatiste de Fard une menace pour les efforts d’intégration. La situation se tend en 1932, lorsqu’un disciple du nom de Robert Harris commet un meurtre rituel, entraînant une vaste répression et une campagne médiatique dénonçant l’ATOI comme « culte de la jungle ».
Malgré cette hostilité, le mouvement continue de croître. La création de l’University of Islam en 1932, école alternative réservée aux enfants musulmans noirs, provoque de nouvelles tensions. En 1934, un raid policier entraîne l’arrestation d’enseignant·es, l’inculpation d’Elijah Muhammad, et une violente confrontation dans les rues de Detroit, où femmes et hommes du mouvement affrontent la police. Taylor souligne que les femmes — y compris probablement Clara Muhammad — participent activement aux manifestations, aux jeûnes de protestation, et à la formation des enfants.
Enfin, le chapitre se clôt sur la disparition de Fard en juin 1934. Elijah Muhammad émerge alors comme figure de continuité, adoubé par l’absence du maître. Cette transition s’opère alors que des femmes comme Clara ont déjà largement structuré la base éducative, morale et affective du mouvement.
Concepts clés définis, expliqués et historicisés
“Fruit of Islam” (FOI)
🔹 Définition
Branche masculine paramilitaire et éducative de l’ATOI, chargée de la sécurité, de l’ordre moral et de l’incarnation de l’homme noir nouveau : discipliné, protecteur, travailleur. Elle forme les hommes à une masculinité islamique encadrée.
🔹 Contexte historique
Créée en 1931, la FOI s’inscrit dans une tradition de mouvements noirs valorisant l’autodéfense, mais elle s’ancre dans une théologie islamique spécifique. Elle répond à l’effondrement de la masculinité noire provoqué par l’exclusion sociale et le chômage, en redéfinissant l’homme noir comme pilier moral et communautaire.
MGT-GCC (Muslim Girls’ Training and General Civilization Class)
🔹 Définition
Équivalent féminin de la FOI, destinée à former les femmes à la gestion du foyer, à la morale islamique, à la cuisine, à l’hygiène, et à l’éducation des enfants. Elle codifie la féminité musulmane noire selon les normes établies par Fard.
🔹 Contexte historique
Instituée en 1931, cette structure permet de produire une identité féminine islamique noire en rupture avec les stéréotypes raciaux. Elle permet aux femmes de jouer un rôle central dans la transmission des normes religieuses, tout en réaffirmant une hiérarchie patriarcale au sein de la NOI.
“Devil” (le diable blanc)
🔹 Définition
Catégorie centrale du discours de Fard : les hommes blancs sont identifiés comme devils, incarnation du mal et des oppressions subies par les Noirs. Cette théologie radicale inverse le stigmate et fournit une lecture racialisée du mal.
🔹 Contexte historique
Le terme s’inscrit dans une rhétorique afrocentrée de renversement symbolique. Il s’oppose à la théologie chrétienne du pardon et à l’idéologie de l’intégration. En nommant l’ennemi blanc, Fard renforce un projet politique de séparation, légitimé par une vision cosmologique.