The Gospel of Work
Thèmes centraux
- Sacralisation du travail dans la culture américaine
- Rôle des traditions religieuses dans la légitimation de l’éthique entrepreneuriale
- Le travail comme accomplissement spirituel et preuve morale
- Fusion entre morale chrétienne et valeurs managériales
Résumé et analyse
Dans ce chapitre, Erik Baker analyse la manière dont le travail, aux États-Unis, a été chargé d’un contenu moral, voire spirituel, en devenant le cœur d’un véritable évangile séculier. Il retrace l’influence de traditions religieuses – principalement issues du protestantisme évangélique et du christianisme positiviste – dans la construction d’une vision du travail comme expression de la foi, de la vertu et de la réalisation de soi. Le chapitre montre comment certaines figures centrales de l’entrepreneuriat spirituel, telles que Norman Vincent Peale, ont fusionné les principes du christianisme protestant avec les préceptes du développement personnel. Peale, pasteur influent et auteur de The Power of Positive Thinking (1952), représente une synthèse idéologique entre morale chrétienne, psychologie populaire et impératif de performance économique. À travers ce type de discours, le travail devient non seulement un devoir terrestre mais une preuve de grâce divine, un témoignage de l’énergie spirituelle d’un individu. Le succès matériel est interprété comme un signe de rectitude intérieure, tandis que l’échec est requalifié comme défaut de foi, d’engagement ou de volonté. Baker insiste sur la nature théologico-managériale de ce discours : il ne s’agit pas seulement de promouvoir la productivité, mais de forger une éthique qui mobilise le for intérieur des travailleurs. Le langage de l’entreprise se voit ainsi imprégné de références religieuses, et inversement, le discours religieux intègre des concepts entrepreneuriaux : maîtrise de soi, discipline, motivation, esprit d’initiative. Ce syncrétisme discursif produit un ethos où le salut ne se joue plus dans l’au-delà mais dans la capacité à devenir un sujet autonome, performant et résilient dans le monde du travail. Ce « gospel of work » a pour fonction sociale de naturaliser les inégalités économiques, en individualisant les responsabilités et en rendant invisibles les rapports structurels de domination. Il sert aussi à désamorcer les critiques sociales, en convertissant les attentes collectives en exigences morales individuelles.
Concepts clés définis, expliqués et historicisés
🔹 Définition
Système de croyances selon lequel le travail n’est pas seulement une nécessité matérielle, mais une voie de développement moral et spirituel. Il attribue une valeur morale à la réussite professionnelle.
🔹 Contexte historique
Issu de l’éthique protestante, ce discours se généralise au XIXe siècle avant d’être adapté par des figures religieuses modernes. Dans l’Amérique du XXe siècle, il devient un pilier de l’idéologie managériale et de la culture de la réussite.
🔹 Définition
Conception selon laquelle le travail est un appel ou une mission intérieure, une manière de réaliser un destin personnel et d’honorer un ordre moral.
🔹 Contexte historique
Profondément ancrée dans le protestantisme réformé, cette idée se sécularise au XXe siècle à travers le discours des entreprises, des universités et des pasteurs entrepreneurs.
Sacralisation de l’éthique entrepreneuriale
🔹 Définition
Processus par lequel les valeurs économiques de l’initiative et de la performance sont investies d’un sens moral ou religieux, renforçant leur légitimité sociale.
🔹 Contexte historique
Cette sacralisation s’opère via la pensée positive, les écrits de développement personnel et les discours religieux modernisés, notamment aux États-Unis dans l’après-guerre.