Faith in the Future

Dans ce chapitre, Erik Baker analyse la manière dont l’idéologie entrepreneuriale s’est articulée, dès le milieu du XXe siècle, à une forme de foi dans le progrès technologique, élaborant une vision du futur comme horizon de salut personnel et collectif. Cette espérance en l’avenir, largement façonnée par la rhétorique de la Silicon Valley et les idéologies managériales, prend la forme d’un imaginaire eschatologique sécularisé : il ne s’agit plus d’attendre un salut spirituel, mais de le produire soi-même à travers l’innovation, l’investissement en soi, et la prise de risque entrepreneuriale. Baker montre que cette vision repose sur un transfert des affects religieux vers les dispositifs technologiques. La technologie, conçue non comme instrument matériel mais comme principe moteur de transformation sociale, est dotée d’un pouvoir quasi surnaturel. L’innovation devient un acte de foi, et l’avenir un espace de projection où s’accomplit la promesse du sujet entrepreneur : un sujet auto-fondé, libéré des contraintes collectives, réalisant son potentiel par la seule force de sa vision. Le chapitre insiste aussi sur la mystification du futur : en valorisant la prise de risque et l’investissement dans un avenir incertain, l’idéologie entrepreneuriale escamote les réalités structurelles du présent (inégalités, exploitation, précarité). L’avenir est ainsi mobilisé comme instrument idéologique pour désamorcer les critiques et légitimer l’ordre établi. En plaçant la responsabilité du futur sur les épaules des individus – et non des institutions ou des structures – ce discours individualise le devoir d'espérance. Enfin, Baker retrace l’histoire de cette foi dans le progrès comme produit de la rencontre entre des traditions religieuses millénaristes, l’idéologie du capitalisme américain, et les utopies technocratiques du XXe siècle. Ce « futurisme entrepreneurial » permet de maintenir une adhésion au système économique, même en période de stagnation, de crise ou de désillusion.