LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The Fourth Declaration of War, 1982

Thèmes centraux

  • Invasion du Liban comme guerre contre la représentation politique palestinienne
  • Tentative de destruction de l’OLP et des bases de la souveraineté palestinienne
  • Massacres de civils comme stratégie de terreur politique
  • Rôle actif des États-Unis dans la guerre israélienne contre les Palestiniens
  • Exil, fragmentation et perte de centralité de l’OLP
  • Substitution de la guerre militaire par la guerre diplomatique

Résumé et analyse

Événements historiques marquants

  • 6 juin 1982 — Liban : Invasion israélienne du Liban sous prétexte d’une attaque contre l’ambassadeur d’Israël.
  • août 1982 — Beyrouth : Expulsion de l’OLP vers Tunis après siège de la ville.
  • 16–18 septembre 1982 — Sabra et Chatila : Massacre de centaines de réfugiés palestiniens par les milices phalangistes avec la complicité de l’armée israélienne.
  • 1983–1985 — Réorganisation de l’OLP en exil ; montée des tensions internes et isolement régional.

Dans ce chapitre, Khalidi analyse l’invasion israélienne du Liban de 1982 comme une quatrième déclaration de guerre contre les Palestiniens, visant cette fois non pas à expulser physiquement un peuple d’un territoire, mais à anéantir sa représentation politique organisée : l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Cette guerre, planifiée de longue date, vise à démanteler les infrastructures civiles, diplomatiques et militaires qui symbolisaient un embryon d’État palestinien.

L’auteur insiste sur le fait que cette guerre a été soutenue diplomatiquement par les États-Unis, et que sa justification sécuritaire masque une stratégie de réorganisation politique régionale. Israël cherche à imposer une solution militaire à la question palestinienne, en réduisant l’OLP à une entité terroriste à éliminer, tout en installant un gouvernement allié à Beyrouth. Les massacres de Sabra et Chatila, commis après le retrait de l’OLP, deviennent le symbole d’une guerre visant non seulement les combattants, mais aussi les civils réfugiés, pour briser toute continuité politique palestinienne.

Khalidi montre que l’expulsion de l’OLP de Beyrouth n’est pas une simple défaite militaire : elle ouvre une nouvelle phase de marginalisation politique, dans laquelle la représentation palestinienne est isolée, divisée, exilée. L’OLP perd le lien direct avec le territoire, avec les populations sous occupation, et voit son influence régionale s’effriter. Cette déconnexion contribue à l’émergence ultérieure de nouvelles forces (comme le Hamas), mais affaiblit profondément la capacité des Palestiniens à parler d’une seule voix.

Enfin, ce moment marque une mutation stratégique : la guerre militaire se transforme en guerre diplomatique. Israël, avec l’appui des États-Unis, impose une logique de négociation sous condition, tout en continuant la colonisation. La parole palestinienne est de plus en plus filtrée, conditionnée, mise en accusation, tandis que les espaces de souveraineté symbolique — comme les camps, les institutions politiques ou les représentations extérieures — sont systématiquement délégitimés ou détruits.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Organisation de libération de la Palestine (OLP)

🔹 Définition
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) est une coalition de groupes politiques palestiniens fondée en 1964, et reconnue à partir des années 1970 comme représentante légitime du peuple palestinien. Dans le texte, Khalidi la décrit comme un acteur central de la lutte politique et diplomatique pour la reconnaissance d’une souveraineté palestinienne. En 1982, l’invasion israélienne du Liban vise à anéantir cette représentation politique organisée, considérée comme une menace à l’hégémonie israélienne et à l’ordre régional voulu par les États-Unis.

🔹 Contexte historique
L’OLP émerge dans le contexte de l’échec du panarabisme et de la montée du nationalisme palestinien. Elle est progressivement dominée par le Fatah de Yasser Arafat. À partir de 1974, elle obtient le statut d’observateur à l’ONU. L’épisode libanais constitue un moment de bascule : bien que militairement affaiblie, l’OLP survivra en exil à Tunis, mais avec une capacité réduite d’action et un éloignement croissant des réalités de terrain, jusqu’au processus d’Oslo.

Sabra et Chatila

🔹 Définition
Les massacres de Sabra et Chatila désignent l’assassinat de plusieurs centaines de réfugiés palestiniens dans les camps du même nom à Beyrouth-Ouest, entre le 16 et le 18 septembre 1982, par les milices phalangistes libanaises, avec la complicité passive de l’armée israélienne qui encerclait la zone. Dans le texte, Khalidi les analyse comme un acte de guerre visant à détruire non seulement des vies, mais aussi la continuité historique et politique du peuple palestinien, en ciblant spécifiquement des civils non armés, dans un contexte d’évacuation militaire déjà achevée.

🔹 Contexte historique
Ces massacres ont lieu peu après l’évacuation de l’OLP de Beyrouth, dans un climat d’impunité totale. Ils provoquent une vague d’indignation internationale, y compris en Israël, où des mobilisations dénoncent la responsabilité indirecte du gouvernement Sharon. En droit international, ces massacres sont qualifiés de crimes de guerre, mais aucun tribunal ne sera saisi. L’épisode devient un point de rupture dans l’histoire de la cause palestinienne, marquant à la fois l’intensité de la violence subie et la perte progressive de reconnaissance diplomatique de l’OLP.

Représentation politique

🔹 Définition
La représentation politique désigne la capacité d’un groupe social à se constituer en sujet collectif porteur de revendications, reconnu dans les institutions internationales. Dans le chapitre, ce concept est au cœur de l’analyse de Khalidi : l’OLP n’est pas seulement une organisation armée, mais une tentative de matérialiser une souveraineté palestinienne en exil. L’invasion de 1982 vise ainsi à effacer cette représentation, en la réduisant à une entité terroriste ou militaire, disqualifiant sa légitimité politique.

🔹 Contexte historique
Depuis les années 1970, la reconnaissance internationale de l’OLP comme représentant du peuple palestinien avait permis des avancées diplomatiques, notamment à l’ONU. Mais les années 1980 marquent un retournement : les États-Unis et Israël refusent tout contact direct avec l’OLP, tandis que d’autres acteurs émergent, fragmentant la représentation. La question de la représentation reste centrale dans le conflit israélo-palestinien, structurée par des rapports de pouvoir asymétriques et par l’évolution des formes de légitimité (nationale, religieuse, institutionnelle).