LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The Appeal of Black Nationalism and the Promise of Prosperity

Thèmes centraux

  • Réalignement militant après la mort de Malcolm X

  • Intégration de figures issues du Black Power dans la NOI

  • Attrait du nationalisme noir comme refuge face aux échecs des luttes intégrationnistes

  • Conflits entre identité noire, islamisation et émancipation féminine

  • Tensions entre promesse de prospérité et réalité des inégalités internes à la NOI

Résumé et analyse

Le chapitre s’ouvre sur une interrogation centrale : pourquoi tant d’activistes — dont Sonia Sanchez, Gwendolyn Simmons, ou Joan 4X — ont-elles rejoint la NOI après l’assassinat de Malcolm X en 1965, malgré leur admiration pour lui ? Taylor montre que la NOI a su se rendre attrayante à un moment où les autres mouvements — SNCC, CORE, SCLC — étaient en crise, infiltrés, réprimés ou désorientés. Ce contexte de désillusion militante a transformé la Nation en espace de refuge idéologique.

Sanchez, poétesse et intellectuelle du Black Arts Movement, rejoint la NOI à la recherche d’un foyer culturel pour elle et ses enfants. Son témoignage souligne les contradictions vécues par les femmes : attachement aux idéaux de Malcolm X, rejet de la drogue et du chaos militant, mais aussi adaptation difficile aux règles patriarcales strictes. De même, Gwendolyn Simmons, ancienne de la SNCC, décrit la fascination qu’exerçait le discours de Malcolm X, tout en admettant avoir internalisé le mépris raciste pour sa peau foncée avant de trouver une forme de réconciliation identitaire dans l’islamisation.

Pour beaucoup, la Nation offrait des réponses simples à des situations de précarité : promesse de prospérité, accès à un réseau de soutien, valorisation de l’identité noire. Sister Doris 9X, par exemple, est attirée par le respect affiché envers les femmes musulmanes, le rituel de l’accueil au temple, l’atmosphère de paix. Elle participe au MGT-GCC où elle apprend à cuisiner, coudre et servir son mari, avant d’initier sa sœur à son tour. Mais les promesses de stabilité et de richesse se heurtent aux limites du système : tithes, vente obligatoire de journaux, inégalités de traitement, punitions, et exclusions.

L’éducation est centrale dans ce chapitre. L’Université de l’Islam incarne la volonté de construire une citoyenneté noire alternative. L’apprentissage commence dès l’enfance avec le ABC Coloring Book et le Children’s First Grade Reader, qui inculquent les principes de l’autonomie, de la fierté raciale, et de la discipline. Mais cette éducation islamisée a aussi ses effets pervers : les jeunes filles sont isolées des standards éducatifs dominants, et certaines peinent à réussir les tests standardisés.

Enfin, Taylor met en lumière la réappropriation genrée du discours nationaliste. Des femmes comme Vera X Lewis ou Gertrude Bogans louent l’enseignement d’Elijah Muhammad, qui redonne aux hommes noirs leur rôle de protecteurs. Mais cette protection justifie un contrôle accru : interdiction de sortir seules le soir, absence de critique tolérée, assignation à résidence morale. L’engagement dans la NOI devient alors ambivalent : refuge identitaire et spirituel d’un côté, mais structure patriarcale rigide de l’autre.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Nationalisme noir conservateur

🔹 Définition

Le nationalisme noir conservateur désigne la forme de nationalisme prônée par la NOI : autonomie économique, fierté raciale, rejet de l’intégration, mais aussi maintien d’un ordre patriarcal strict. Contrairement aux courants plus révolutionnaires du Black Power, il repose sur l’autorité religieuse d’un leader incontesté.

🔹 Contexte historique

À partir de la fin des années 1960, la NOI devient un pôle d’attraction pour des militantes et militants désillusionnés par la fragmentation des mouvements révolutionnaires. Elijah Muhammad refuse toute référence directe à l’Afrique, condamne les alliances interraciales, et se positionne contre le féminisme. Ce modèle séduit car il combine critique sociale et promesse de prospérité, tout en imposant une stabilité hiérarchique.

Promesse de prospérité

🔹 Définition

La promesse de prospérité désigne l’offre faite par Elijah Muhammad à ses fidèles : argent, maisons confortables, et paix de l’esprit, en échange d’une adhésion stricte aux préceptes religieux et aux pratiques économiques internes à la NOI.

🔹 Contexte historique

Cette promesse attire particulièrement les femmes noires issues des classes populaires, souvent mères célibataires ou travailleuses précaires. Elles trouvent dans la Nation un espace d’ordre et de valorisation, mais au prix d’une soumission à une économie religieuse contrôlée : vente de journaux, levées de fonds, tenues imposées. Derrière le discours de rédemption économique, subsistent des inégalités structurelles internes, souvent genrées.