LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The Royal Family

Thèmes centraux

  • Dynastie religieuse et pouvoir familial dans la NOI

  • Rôle politique et économique des femmes de la famille Muhammad

  • Dérives financières, privilèges et conflits internes

  • Scandales sexuels, paternité et pouvoir religieux

  • Limites de la loyauté genrée dans un système patriarcal sacralisé

Résumé et analyse

Dans ce chapitre, Taylor explore le fonctionnement de la Royal Family — la famille élargie d’Elijah Muhammad — et son influence sur les femmes de la Nation of Islam. Composée d’Elijah, de son épouse Clara et de leurs enfants, la famille occupe une place centrale dans la hiérarchie matérielle et symbolique du mouvement.

Deux figures féminines ressortent particulièrement : Sister Ethel, fille d’Elijah et de Clara, et Sister Lottie, sa sœur. Ethel est décrite comme une femme d’affaires puissante, Supreme Captain du MGT, fondatrice du premier atelier de pâtisserie musulmane (Eat Ethel’s Pastries) et initiatrice de la première usine de confection textile du MGT. Son style, son élégance et sa dignité sont admirés et imités. Elle influence directement les normes de genre dans la NOI, allant jusqu’à demander à son père d’assouplir les codes vestimentaires féminins et d’encourager les femmes à marcher aux côtés des hommes, plutôt que derrière eux.

Toutefois, derrière ce pouvoir féminin affirmé, Taylor révèle la consolidation d’un système de privilèges héréditaires. La Royal Family contrôle les ressources financières du mouvement, accumule des propriétés et profite de la fidélité des croyants. En 1969, un vol de 23 000 dollars dans la maison des Sharrieff (Ethel et son mari Raymond) attire l’attention sur le train de vie luxueux de la famille.

L’autre dimension majeure du chapitre concerne les scandales de paternité. Plusieurs femmes — dont Sister Lucille et Sister Evelyn — portent plainte contre Elijah Muhammad, l’accusant d’être le père de leurs enfants. Ces femmes, anciennes secrétaires du leader, affirment avoir été « mariées selon le Coran » par Muhammad lui-même, en privé. Elles sont néanmoins isolées, discréditées, et menacées par les fidèles. Les révélations de Malcolm X — qui les avait introduites à la NOI — jouent un rôle central dans la rupture entre lui et son mentor.

Taylor montre que la gestion de ces scandales illustre le double standard genré de la Nation : Muhammad nie publiquement pratiquer la polygamie tout en accumulant les épouses officieuses. Certaines femmes, comme Sister Doris 9X, en subissent les conséquences directes : pressions à devenir « deuxième épouse », marginalisation, difficultés économiques et même incarcération pour fraude sociale. À travers ces récits, Taylor dépeint une stratification interne où les femmes loyales sont récompensées ou sacrifiées selon leur conformité à l’ordre patriarcal incarné par la Royal Family.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Famille royale religieuse

🔹 Définition

Dans la NOI, la Royal Family désigne la famille biologique d’Elijah Muhammad, investie d’un statut quasi monarchique. Elle contrôle les ressources, les institutions éducatives et commerciales, et sert de modèle moral et politique pour les membres du mouvement.

🔹 Contexte historique

Dans les années 1960–70, l’autorité religieuse d’Elijah Muhammad se combine à une centralisation économique et familiale. Ce modèle théocratique reproduit des hiérarchies rigides, accentuées par le culte de la personnalité. La Royal Family devient le symbole d’un pouvoir sacré, justifié religieusement mais inégal dans sa distribution des ressources et des droits.

Scandale de paternité dans un système patriarcal sacralisé

🔹 Définition

Le scandale de paternité désigne les plaintes légales déposées par plusieurs femmes de la NOI, affirmant qu’Elijah Muhammad est le père de leurs enfants. Ces affaires révèlent la disjonction entre la morale publique prêchée et les pratiques privées tolérées ou justifiées dans le cadre du pouvoir religieux.

🔹 Contexte historique

En 1964–65, plusieurs femmes intentent des actions en justice contre Muhammad, provoquant un séisme dans l’organisation. Malcolm X soutient ces femmes, ce qui contribue à sa marginalisation puis à son assassinat. Le scandale révèle l’asymétrie genrée de la loyauté : les femmes doivent se soumettre à la morale imposée, tandis que les hommes, même les leaders, peuvent s’en exonérer au nom de leur mission divine.