World War II: Women Anchoring the Nation of Islam
Thèmes centraux
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Surveillance du FBI et répression des membres de la NOI pendant la Seconde Guerre mondiale
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Arrestation et incarcération d’Elijah Muhammad, Sister Pauline et d'autres membres
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Mobilisation religieuse et politique des femmes en situation d’absence masculine
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Leadership féminin de Sister Clara Muhammad et Sister Pauline Bahar
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Réorganisation des temples autour des femmes et affirmation de leur autorité religieuse
Résumé et analyse
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les femmes de la Nation of Islam (encore nommée ATOI) passent de la périphérie à l’avant-plan du leadership religieux. Alors que le gouvernement fédéral, sous l’impulsion de J. Edgar Hoover, considère le mouvement comme subversif — en particulier pour son opposition à la guerre et ses liens supposés avec le Japon — la répression s’intensifie. En 1942, un raid contre le temple de Chicago conduit à l’arrestation de 70 membres, dont Elijah Muhammad et Sister Pauline Bahar.
Le chapitre se fonde largement sur les témoignages recueillis par le FBI, notamment ceux de Ruth Coleman, informatrice infiltrée dans les réunions. Ces sources révèlent à la fois les pratiques de l’ATOI (structure militaire, distribution de rôles genrés, liturgie codifiée, gestion stricte des dons) et l’importance des femmes dans l’organisation : enseignantes, gardiennes de la doctrine, leaders temporaires.
Taylor insiste sur le rôle de Sister Clara et de Sister Pauline : pendant l’incarcération des hommes, ce sont elles qui organisent les réunions dans des domiciles privés, assurent la continuité spirituelle, et renforcent la cohésion du groupe. Loin d’être passives, les femmes assument une responsabilité politique et religieuse dans un contexte de surveillance constante et de stigmatisation nationale.
L’esthétique islamique devient un enjeu symbolique majeur. Les femmes portent des robes longues et voilées, défiant les normes chrétiennes et patriotiques : elles s’affichent comme musulmanes noires en pleine guerre mondiale. Ce choix vestimentaire, perçu par les autorités comme anti-américain, est en réalité un acte de réappropriation du corps et d’affirmation collective.
Enfin, Taylor analyse la portée des lettres que les femmes envoient aux prisonniers. Ces correspondances ne sont pas de simples gestes affectifs : elles prolongent l’engagement religieux, produisent du lien communautaire, et renforcent une identité de croyantes résistantes. À la sortie de prison d’Elijah Muhammad en 1946, le mouvement compte moins de membres qu’au pic des années 1930, mais les femmes en ont assuré la survie.
Concepts clés définis, expliqués et historicisés
Patriotisme racialisé
🔹 Définition
L'accusation de sédition portée contre les membres de l’ATOI illustre une conception du patriotisme réservée aux Blancs. Refuser de s’engager dans l’armée américaine ou critiquer le drapeau est vu comme une trahison raciale et nationale, surtout lorsque cela vient de Noirs musulmans.
🔹 Contexte historique
Dans les années 1940, l'État fédéral réprime toute voix dissidente au nom de la guerre contre l’Axe. Les mouvements noirs, en particulier ceux qui prônent la séparation raciale ou qui contestent la légitimité de l’État, sont qualifiés d’“anti-américains”. La Nation of Islam devient une cible privilégiée.
Leadership féminin de crise
🔹 Définition
En l’absence des figures masculines incarcérées, les femmes de l’ATOI prennent en charge l’organisation quotidienne, les enseignements religieux, et la préservation des espaces cultuels. Cette prise d’initiative transforme la place des femmes dans le mouvement.
🔹 Contexte historique
La répression masculine crée des espaces d’action inédits pour les femmes, qui démontrent leur capacité à assurer la continuité religieuse. Ce phénomène se retrouve dans d’autres contextes historiques : guerres, migrations, incarcérations massives. Dans la NOI, il renforce à la fois l’autorité des pionnières et la codification future des rôles de genre.
Esthétique islamique anti-chrétienne
🔹 Définition
Les vêtements des femmes musulmanes (robes longues, voiles, uniformité esthétique) signalent une rupture avec l’habillement chrétien et occidental. Ils expriment une piété, une modestie, mais aussi une forme de défi symbolique à l’ordre dominant.
🔹 Contexte historique
Dans l’Amérique des années 1940, se vêtir à la manière islamique, surtout pour une femme noire, revient à poser un geste politique. L’État assimile cette esthétique à une menace. Pour les femmes de la NOI, c’est une manière de contrôler leur corps, de se soustraire au regard sexuel blanc, et d’affirmer leur appartenance à une communauté spirituelle en résistance.