LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The Content and Contours of Whiteness

Thèmes centraux

  • Whiteness comme construction culturelle invisible mais structurante
  • Contenu normatif de l’identité blanche : nationalisme, fierté, griefs
  • Fusion entre identité nationale américaine et blancheur
  • Sentiment de privation relative et perception de compétition raciale
  • Étayage empirique de la dimension idéologique de la blanchité
  • Déstabilisation du mythe de l’identité blanche comme vide de sens

Résumé et analyse

Contre l’idée répandue selon laquelle l’identité blanche serait vide, universelle ou dénuée de contenu, Ashley Jardina démontre que les individus fortement identifiés à leur race possèdent une représentation cohérente, investie et idéologisée de la blancheur. À partir de questionnaires fermés et ouverts (enquêtes ANES, YouGov, MTurk), elle met en lumière trois axes majeurs :

D’abord, une fusion entre blancheur et américanité. Les Blancs identifiés tendent à se percevoir comme les représentants naturels de l’identité américaine, en liant leur race à des symboles nationaux (drapeau, pères fondateurs, culture populaire). Cette vision repose sur une définition ascriptive de la nation : être américain implique d’être blanc, parler anglais, être né aux États-Unis.

Ensuite, une fierté collective fondée sur la réussite du groupe blanc. Les privilèges éducatifs, économiques ou médiatiques des Blancs sont perçus comme mérités, et justifient le maintien de l’ordre social. Cette auto-légitimation du statut dominant n’entraîne pas de remise en cause égalitaire.

Enfin, un sentiment de concurrence et de victimisation. De nombreux identifiants blancs expriment le sentiment d’être désavantagés ou oubliés, notamment face aux minorités. Jardina montre que cette perception repose sur une logique de compétition à somme nulle, dans laquelle les gains des uns sont vécus comme les pertes des autres.

Jardina mobilise les théories de la menace et du conflit intergroupe pour démontrer que ce sentiment de menace est avant tout subjectif. La blancheur fonctionne ainsi comme une idéologie racialisée, donnant sens à des préférences politiques spécifiques : opposition à l’immigration, attachement à une américanité restrictive, soutien à une histoire blanche de la nation.

Ce chapitre permet de conceptualiser whiteness non comme un vide identitaire, mais comme un répertoire normatif actif, structurant l’appartenance nationale, les frontières symboliques et les comportements politiques.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Whiteness (blanchité)

🔹 Définition
Ensemble des significations sociales, culturelles et politiques associées au fait d’être blanc. Chez les individus fortement identifiés, whiteness inclut la fierté, la légitimité du statut dominant et l’idée que la blancheur est constitutive de l’américanité.

🔹 Contexte historique
Institutionnalisée dès le Naturalization Act de 1790, la blanchité devient au XIXᵉ siècle synonyme d’appartenance nationale. Les whiteness studies des années 1990 (Roediger, Lipsitz, Frankenberg) l’ont analysée comme une norme invisible. Jardina actualise cette tradition en montrant son contenu idéologique et sa force politique contemporaine.

Américanité ascriptive

🔹 Définition
Conception ethno-raciale de l’identité nationale, selon laquelle être un « vrai Américain » requiert des attributs immuables : langue, religion, naissance sur le sol national… et appartenance raciale blanche.

🔹 Contexte historique
Ce cadre exclusif émerge au XIXᵉ siècle avec l’idéologie anglo-protestante. Jardina montre que les identifiants blancs adoptent massivement cette conception, fusionnant blancheur et nation, et s’opposant aux définitions civiques et inclusives de l’américanité.

Compétition raciale perçue

🔹 Définition
Croyance selon laquelle les progrès économiques ou politiques des minorités se feraient au détriment des Blancs, dans une logique de compétition à somme nulle.

🔹 Contexte historique
Ce concept, inspiré de la realistic group conflict theory, a été utilisé pour comprendre les réactions blanches aux droits civiques ou à l’immigration. Jardina démontre, à partir d’indicateurs d’enquête, que cette perception est fortement corrélée à l’identité blanche, indépendamment de tout racisme explicite.