LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The Measurement and Meaning of Group Ties

Thèmes centraux

  • Définition et mesure empirique de l’identité raciale blanche
  • Distinction entre l’identité blanche et white consciousness
  • Limites et débats sur la mesure des identités sociales
  • Usage des outils de sondage dans l’étude des attitudes raciales
  • Importance de la validité et de la fiabilité des indicateurs en science politique
  • Séparation entre attachement in-group et hostilité out-group

Résumé et analyse

Dans ce chapitre, Ashley Jardina précise les outils conceptuels et méthodologiques permettant de mesurer empiriquement l’attachement des Blancs à leur groupe racial. Elle inscrit son analyse dans une tradition des sciences sociales qui conçoit l’identité comme un attachement psychologique à un groupe, à la fois cognitif et affectif.

Jardina distingue deux niveaux : d’une part, l’identité blanche (sentiment d’appartenance) mesurée par trois items (importance attribuée à la race, fierté d’être blanc, similarité avec les autres Blancs) ; d’autre part, la conscience blanche, mesurée par la perception d’injustices envers les Blancs, l’idée d’un destin commun, et le soutien à une action collective. Lorsque le triptyque de mesure n’est pas disponible, un indicateur unique est utilisé : l’importance subjective accordée à la race blanche.

En analysant les enquêtes ANES (2012, 2016) et YouGov (2016), Jardina montre qu’environ 35 % des répondants blancs présentent un fort niveau d’identité blanche, et 26 % une conscience raciale marquée. Ces résultats attestent d’une base significative pour comprendre les effets politiques de ces deux dimensions, qu’elle distingue nettement : l’identité ne présuppose pas de mobilisation, mais elle peut en être le socle.

Jardina aborde ensuite les questions de validité des indicateurs : biais de désirabilité sociale, différence entre modes d’administration (en ligne ou en face-à-face), limites des outils implicites comme le feeling thermometer. Elle justifie l’usage de mesures explicites pour capter la force de l’identité raciale blanche, malgré les contraintes méthodologiques.

Enfin, elle insiste sur le fait que ni l’identité blanche ni la conscience blanche ne sont réductibles au racisme explicite. Les données statistiques démontrent que solidarité in-group et hostilité out-group doivent être analysées séparément. Cette distinction est fondamentale pour les chapitres suivants, qui étudieront les effets spécifiques de l’identité blanche sur les préférences politiques.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

White identity (identité blanche)

🔹 Définition
Sentiment subjectif d’appartenance au groupe racial blanc, fondé sur la reconnaissance personnelle de cette appartenance, un certain degré de fierté, et un sentiment de similarité avec les autres Blancs. Il s’agit d’une disposition psychologique latente, activable dans certaines conditions sociales ou politiques.

🔹 Contexte historique
Longtemps négligée en raison de l’hégémonie blanche, cette identité est conceptualisée à partir des années 2000 dans le cadre des whiteness studies. Jardina propose ici une opérationnalisation empirique rigoureuse du concept, distincte des formes traditionnelles de racisme ou de conservatisme.

White consciousness (conscience blanche)

🔹 Définition
Forme politisée de l’identité blanche, marquée par la reconnaissance d’intérêts collectifs spécifiques, d’une menace envers le groupe, et la volonté d’agir politiquement pour le défendre. Elle implique un sens du destin commun, un sentiment de discrimination perçue et un soutien à l’action collective.

🔹 Contexte historique
Initialement développée dans les études afro-américaines, la notion est rarement appliquée aux Blancs. Jardina démontre empiriquement qu’une frange significative de la population blanche développe une conscience équivalente, mobilisée au service de la préservation du statut dominant.

Mesure explicite de l’identité raciale

🔹 Définition
Ensemble d’indicateurs autodéclarés permettant d’évaluer l’intensité de l’attachement à une identité raciale. Dans le cas de l’identité blanche, ils portent sur l’importance subjective de la race, la fierté d’être blanc et le sentiment de proximité avec les autres membres du groupe.

🔹 Contexte historique
Contrairement aux mesures implicites (IAT, feeling thermometer), les mesures explicites ont été longtemps considérées comme biaisées. Depuis les années 2010, elles sont utilisées dans les enquêtes ANES et YouGov. Jardina en défend l’usage pour capter une dimension politique autonome de l’identité blanche.