LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

The Accumulation of Labor and the Degradation of Women

Thèmes centraux

  • Transformation des rapports de genre dans la transition capitaliste

  • Subordination du corps féminin au travail reproductif

  • Construction de la différence sexuelle comme hiérarchie sociale

  • Naturalisation de l’infériorité des femmes par les sciences et la théologie

  • Institutionnalisation du travail non payé des femmes

  • Réorganisation disciplinaire des relations familiales

  • Déplacement de la violence économique vers la sphère domestique

Résumé et analyse

Dans ce chapitre, Federici développe l'idée que la transition au capitalisme s'est accompagnée d'une réorganisation radicale de la place des femmes dans la société, reposant sur leur expulsion du travail rémunéré et leur confinement dans la sphère reproductive. Elle montre que cette transformation ne résulte pas d’un processus “naturel”, mais d’une offensive idéologique, politique et matérielle visant à soumettre le corps féminin aux exigences de l'accumulation capitaliste.

Le capitalisme naissant a produit une dévalorisation systématique du travail des femmes, en réassignant la reproduction à un espace privé, déconnecté de la valeur économique. Ce processus passe par l'exclusion des femmes des métiers urbains, leur marginalisation juridique, et leur représentation croissante comme inférieures, irrationnelles ou dangereuses. La figure de la femme devient un instrument idéologique pour naturaliser la hiérarchie de genre et justifier l’invisibilisation du travail reproductif.

En parallèle, le chapitre montre que cette réorganisation s’accompagne d’une restructuration du mariage et de la famille, désormais centrés sur l’autorité masculine et le contrôle de la sexualité féminine. L’assignation des femmes au rôle d’épouses, mères et travailleuses domestiques gratuites est institutionnalisée comme fondement de l’ordre capitaliste.

Ce chapitre constitue une rupture décisive avec l’économie politique classique, en introduisant la reproduction comme champ d’analyse structurant du capitalisme. Federici déconstruit le postulat d’une division sexuelle “naturelle” du travail, en montrant comment cette division est produite historiquement, à travers des dispositifs juridiques, religieux et symboliques visant à déposséder les femmes de leur autonomie économique et sociale.

Elle montre également comment les discours scientifiques, médicaux et théologiques participent de cette opération : les femmes sont physiologiquement inférieures, moralement suspectes, et leur rôle social est réduit à la procréation. Ce régime disciplinaire genré contribue à construire une “différence” fonctionnelle à l’accumulation : les femmes deviennent des productrices de force de travail, mais sans reconnaissance ni rémunération.

Federici renouvelle ainsi l’analyse de l’accumulation primitive en soulignant qu’elle repose non seulement sur l’expropriation des terres, mais aussi sur la captation de la capacité reproductive des femmes. Elle inscrit cette reconfiguration dans une économie politique du corps, où le féminin devient le site de l’oppression, mais aussi de la reproduction de l’ordre capitaliste.

Concepts clés définis, expliqués et historicisés

[Différence sexuelle] (/concepts/difference-sexuelle)

🔹 Définition Construction sociale et politique qui assigne des rôles différenciés aux hommes et aux femmes en les naturalisant. Dans le texte, cette “différence” est produite activement pour justifier l’infériorisation et l’exploitation reproductive des femmes.

🔹 Contexte historique Dans le contexte médiéval puis moderne, la différence sexuelle est renforcée par les discours médicaux (théories des humeurs), théologiques (péché originel, soumission d’Ève) et juridiques. Federici montre que cette différenciation est un outil de discipline sociale, permettant d’exclure les femmes de l’espace public et de les intégrer à l’économie capitaliste sans droits.

Naturalisation

🔹 Définition Processus discursif et politique qui présente comme “naturelles” des hiérarchies sociales construites historiquement. Ici, la naturalisation sert à justifier le rôle subalterne des femmes dans la reproduction sociale.

🔹 Contexte historique Opère par l’intermédiaire de la médecine (femmes vues comme plus faibles, émotionnelles), de la religion (liens avec le péché, la tentation), et du droit (incapacité juridique). Federici identifie cette naturalisation comme centrale dans la légitimation des rapports capitalistes de genre.

Domestication

🔹 Définition Processus par lequel les femmes sont assignées à l’espace domestique et privées d’autonomie économique et politique. La “domestication” désigne leur intégration forcée à une sphère privée dévalorisée.

🔹 Contexte historique Se met en place aux XVIe et XVIIe siècles avec l’exclusion progressive des femmes des guildes, métiers et sphères de décision. Le foyer devient l’espace du travail gratuit, invisible et discipliné. Cette transformation est centrale dans la consolidation des rapports capitalistes et patriarcaux.