LA PETITE SOCIOTHÈQUE
Petites bouchées d'ouvrages militants à partager

Empire Of Cotton

par Sven Beckert

Résumé du livre

L’empire du coton fut, dès ses origines, le théâtre d’un affrontement mondial constant entre esclaves et planteurs, marchands et hommes d’État, ouvrier·ères et industriels. Dans Empire of Cotton, Sven Beckert montre de manière saisissante que ces luttes sociales ne sont pas périphériques : elles sont constitutives de l’émergence du capitalisme moderne. Loin d’être un système fondé sur la liberté et la concurrence pure, le capitalisme global naît de l’articulation entre violence impériale, esclavage racial, expropriation coloniale et discipline industrielle.

En un laps de temps historiquement très court – du XVIIIe au XIXe siècle – une coalition d’entrepreneurs européens, de banquiers, d’États-nations impériaux et de marchands armés a radicalement transformé l’industrie textile mondiale. Ce bouleversement repose sur une combinaison inédite : l’expansion territoriale impériale, le recours massif au travail esclavagiste racialisé, l’usage de la force militaire et juridique pour discipliner les populations, et l’introduction de machines industrielles visant à intensifier l’exploitation du travail.

Beckert insiste sur le fait que le capitalisme moderne n’a pas succédé à l’esclavage : il s’est construit grâce à lui. La violence racialisée – à travers l’esclavage, le commerce d’êtres humains, le métayage post-abolition, ou encore le travail forcé colonial – constitue un pilier structurel de l’économie du coton. Cette violence est non seulement physique, mais aussi institutionnelle : lois raciales, régimes de travail différenciés selon la race ou le genre, hiérarchies contractuelles inscrites dans les formes mêmes du marché du travail.

Le capitalisme du coton, tel que Beckert le reconstruit, repose ainsi sur une géographie inégalitaire, racialement et politiquement organisée. Les profits accumulés dans les filatures de Manchester ou les banques de Liverpool sont rendus possibles par la dépossession des terres en Afrique, l’exploitation des femmes indiennes dans les champs, ou l’asservissement des Afro-Américain·es dans les plantations du Sud. Le racisme n’est pas une aberration morale dans ce système : il est un outil de gestion, un fondement de l’accumulation.

En ce sens, Empire of Cotton ne se contente pas d’écrire une histoire économique du textile : c’est une généalogie du capitalisme mondial comme système de domination globale, où la violence systémique et les hiérarchies raciales ne sont pas des résidus pré-capitalistes, mais les conditions mêmes de la modernité économique.